L'interprofession des semences et plants
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« Notre responsabilité collective est d’imaginer les productions végétales de demain »

Janvier 2019

Le végétal a le vent en poupe. Oui, mais sous quelles formes et pour quels usages ? Demain, quelle sera sa place dans notre quotidien ? Quelles sont les attentes de la société et les espoirs portés ? Les réponses d’un expert en la matière, Christian Huyghe.

Christian Huyghe
Directeur scientifique Agriculture de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra)

La première édition de Plant Event (1), dont le Gnis est partenaire, a placé l’humain au coeur du végétal de demain. Y a-t-il urgence d’une réflexion collective ?

Oui et pour trois raisons. D’abord, parce que le moteur du changement en matière de production végétale et animale est désormais le consommateur. Citoyen, actif, urbain… quelle sera sa demande végétale ? Quelle offre alimentaire lui fera-t-on ? Ensuite, parce que ce consommateur fait pression sur les modes de production en matière de pesticides ou pour le bienêtre animal… Enfin, s’ajoute le fossé entre la réalité de la production agricole et la représentation que le consommateur s’en fait. Tous les acteurs doivent réfléchir sur ce sujet.

Quels nouveaux usages des végétaux fera-t-on demain ?

Nous aurons certainement une consommation accrue de protéines végétales transformées industriellement, ce qui nécessitera davantage de surfaces consacrées à ces cultures. La règle ne sera plus la production de monoculture, mais de couverts construits autour des principes de l’agro-écologie, à l’instar des couverts céréales-protéagineux. Enfin, les durées de mise en culture seront modifiées, avec la prise en compte de cultures intermédiaires (lire article ci-contre) notamment. Le pourtour des parcelles sera également rendu vivant. Il s’agit de repenser tout l’écosystème afin qu’il soit productif et qu’il s’autorégule grâce aux interactions entre tous les organismes vivants qui le compose.

La recherche joue un rôle central. Mais n’est-elle pas freinée ?

Sans règles, il n’y a pas d’innovation. A titre d’exemple, l’inscription obligatoire des variétés, gérée par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, au catalogue officiel, ainsi que le contrôle et la certification des semences et plants, sont essentiels pour faire progresser la recherche au bénéfice des utilisateurs. La recherche agit sur différents leviers, depuis la découverte de nouvelles espèces végétales jusqu’à l’amélioration de la qualité des sols. La question des NBT (2) est un aspect important de la production végétale à moyen et long termes – et l’Inra l’a clairement dit –, mais il n’est pas le seul. Et sa réglementation ne doit pas laisser croire que la recherche végétale serait bridée.

Quelle est la position de la France en matière de recherche et de production agronomique ?

Nos centres techniques et instituts de recherche, ainsi que notre secteur industriel, notamment dans le domaine de la génétique, font l’admiration de tous. Il faut arrêter le défaitisme. Nous sommes le premier exportateur mondial de semences. Beaucoup de pays envient notre recherche appliquée et notre développement agricole. Notre responsabilité collective est d’imaginer les productions végétales, mais aussi animales, de demain.

(1) Ce nouvel événement prospectif consacré à l’avenir du végétal s’est tenu à Angers les 7 et 8 novembre 2018.
(2) New Breeding Techniques : ensemble de techniques d’édition génomique employées dans Le domaine de la sélection végétale pour développer de nouvelles variétés de plantes.