L'interprofession des semences et plants
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Protéger la création de nouvelles variétés végétales et les semences de ferme

La loi du 8 décembre 2011 et le décret d’application du 3 août 2014 ont adapté le Code français de la propriété intellectuelle relative à l’obtention végétale. La France est le 18ème pays européen à adopter cette réglementation. Quels sont les éléments clés de la loi et les conséquences concrètes pour les agriculteurs ?

Comment cela se passe-t-il concrètement ?

La loi du 8 décembre 2011 autorise pour 21 espèces la pratique des semences ou des plants de ferme de variétés nouvelles protégées dans le cadre de la protection française : avoine, orge, riz, alpiste des Canaries, seigle, triticale, blé, blé dur, épeautre, pomme de terre, colza, navette, lin oléagineux (à l’exclusion du lin textile), pois chiche, lupin jaune, luzerne, pois fourrager, trèfle d’Alexandrie, trèfle de Perse, féverole, vesce commune. Cette liste est la même que celle présente dans le règlement communautaire sur la protection des variétés végétales.

Le décret du 3 août 2014 a élargi la liste initiale concernant la protection française à des plantes fourragères (trèfle violet, trèfle incarnat, ray-grass d’Italie, ray-grass hybride et gesses), une oléagineuse (soja), des plantes à usage de cultures intermédiaires pièges à nitrates (moutarde blanche, avoine rude), des protéagineuses (pois protéagineux, lupin blanc et lupin bleu) et des plantes potagères (lentille, haricot).

Cette autorisation est soumise à une rémunération équitable de l’obtenteur qui a créé la nouvelle variété.

Rappelons qu’il est toujours légal, de réaliser des semences de ferme de variétés non protégées par un COV, quelle que soit l’espèce.

En ce qui concerne le montant dû aux sélectionneurs qui ont obtenu, par leur recherche, les variétés nouvelles utilisées en semences de ferme, il est prévu que l’agriculteur peut directement passer un contrat avec l’obtenteur ou son représentant (qui est le plus souvent la SICASOV), ou que des accords collectifs ou interprofessionnel peuvent exister.

Deux exemples d’accord interprofessionnel mis en place

L’accord interprofessionnel sur les céréales à paille (blé tendre, blé dur, orge, avoine, seigle, triticale, riz et épeautre)

Sur la base de cet accord, la rétribution de la recherche variétale par les semences de ferme est de 0,70€ par tonne de céréales à paille livrée à un collecteur agréé. Bien sûr, les agriculteurs qui ont acheté des semences certifiées bénéficient d’un avoir sur l’achat de semences certifiées pour qu’ils ne paient pas deux fois la recherche. Elle est aussi remboursée aux agriculteurs qui livrent des céréales issues de variétés du domaine public.

Le solde des sommes collectées est reversé aux sélectionneurs à hauteur de 85 % en rémunération des variétés nouvelles qui ont été utilisées par les agriculteurs. 15 % sont en effet dévolus à un Fonds destiné au financement de programmes de recherche, orientés vers l’agriculture durable, notamment dans le cadre de partenariats public/privé.

L’accord interprofessionnel sur les plants de ferme de pomme de terre

Cet accord porte sur deux volets distincts : le renforcement des moyens de l’obtention végétale pour les variétés protégées, et le maintien de la qualité sanitaire du territoire pour la production des plants de ferme. Les producteurs de pommes de terre utilisant leurs plants de ferme doivent s’acquitter d’un droit d’obtention.

Ce droit d’obtention est perçu à l’hectare emblavé en plants de ferme sur la base des déclarations faites par les agriculteurs. Pour chaque variété, il est calculé sur la base du droit applicable au plant certifié pour la campagne en cours en y appliquant un coefficient multiplicateur de 0,75. Pour la conversion en droit à l’hectare, le tonnage de plants réputé être utilisé par hectare est fixé forfaitairement à 2,5 t/ha.

L’accord prévoit que la production de plants de ferme est soumise à la détection des bactéries Ralstonia solanacearum et Clavibacter michiganensis et des nématodes à kystes Glodobera pallida et Glodobera rostochiensis. Les prélèvements et les analyses doivent être réalisés par des structures reconnues par le ministère de l’Agriculture (DGAL). Les coûts des prélèvements et des analyses sont à la charge de l’agriculteur.

 

Il faut également souligner que la loi prévoit bien que les petits agriculteurs soient exonérés de rémunération aux obtenteurs quand ils font des semences de ferme. Ainsi, un agriculteur/éleveur qui ne produirait pas plus de l’équivalent de 92 tonnes de blé, soit une quinzaine d’hectares, n’aura pas à financer le progrès génétique qu’il utilise.

* Avoine – Orge – Riz – Alpiste des Canaries – Seigle -Triticale – Blé – Blé dur – Epeautre – Pomme de terre – Colza – Navette – Lin oléagineux, à l’exclusion du lin textile – Pois chiche – Lupin jaune – Luzerne – Pois fourrager – Trèfle d’Alexandrie – Trèfle de Perse – Féverole – Vesce commune – Trèfle violet – Trèfle incarnat – Ray-grass d’Italie – Ray-grass hybride – Gesses – Soja – Moutarde blanche – Avoine rude – Pois protéagineux – Lupin blanc – Lupin bleu – Lentille – Haricot

Pourquoi conforter le financement d’une recherche française dans la création de nouvelles variétés végétales ?

La filière française des semences est considérée comme un pôle d’excellence. En effet, son chiffre d’affaires la classe au 1er rang des pays européens et au 3ème rang mondial, derrière les USA et la Chine.

C’est ainsi que les 73 entreprises de sélection, qui font de la recherche en France, créent plus de 450 nouvelles variétés inscrites sur une des listes du Catalogue officiel français. Celles-ci viennent compléter et renouveler les 9 000 variétés, toutes espèces confondues, proposées aux agriculteurs par le Catalogue français.

Ce progrès génétique est constant. En effet, la France a mis en place, pour les espèces agricoles, des tests qui interdisent à un obtenteur de proposer à la vente une nouvelle variété, si elle n’apporte pas un progrès mesurable par rapport à celles qui existent déjà.

Au total, ce sont près de 400 millions d’euros qui sont investis chaque année par ces entreprises de sélection, dont il faut souligner qu’elles sont, pour l’essentiel, des PME ou des coopératives. Cet investissement représente 13 % du chiffre d’affaires semences, c’est-à-dire plus que dans la pharmacie ou l’informatique.

La législation française contribue au développement de la recherche variétale sur toutes les espèces végétales, y compris mineures. En effet, par la loi et le décret, la pratique de semences de fermes est reconnue sur 21 + 13 espèces ; parmi ces dernières, se trouve des espèces mineures où les investissements en sélection sont difficiles à rentabiliser (pois, féverole, etc…) et où, la part des semences de ferme est importante (60 %, voire plus) et pour lesquelles la loi était attendue.

Quels sont les choix offerts à l'agriculteur par la loi de 2011 ?

Il faut d’abord souligner que la loi n’a rien changé au fait qu’agriculteur comme sélectionneur peut utiliser librement toutes les variétés qu’il souhaite pour créer une nouvelle variété. L’accès à la variabilité génétique à des fins de recherche constitue, en effet, un principe fondamental de la propriété intellectuelle française sur les variétés végétales. C’est l’un des points fondamentaux qui différencie le certificat d’obtention végétale et le brevet.

Le coût de participation à la recherche : entre 3,5 et 5 euros/hectare.

Les agriculteurs sont exonérés de la Cotisation volontaire étendue – CVE (précédemment CVO) recherche s’ils réalisent des semences de ferme à partir de variétés du domaine public ou non protégées par un certificat d’obtention végétale.

Les variétés du domaine public sont les variétés qui ont plus de 25 ans, ou plus de 30 ans pour les pommes de terre. Tout agriculteur sait, par exemple, que la pomme de terre Bintje, le blé Florence Aurore, ou la luzerne Europe, sont dans le domaine public.

Par ailleurs, les agriculteurs qui produisent moins de 92 tonnes de céréales et d’oléoprotéagineux par an, soit environ 15 hectares de grandes cultures sont exonérés de tout paiement même s’ils réalisent des semences de ferme à partir d’une variété protégée par un COV.

Enfin, pour 34 espèces, l’agriculteur peut faire maintenant des semences de ferme en rémunérant le sélectionneur.

Quelles sont les principales différences entre brevet
et Certificat d’Obtention Végétale (COV) ?

Le brevet est issu d’une logique industrielle. Il n’est applicable aux variétés que dans de rares pays comme les Etats-Unis. Les variétés brevetées ne peuvent être utilisées à des fins de recherche et sélection, et sont interdites en tant que semences de ferme. Ce système, mal adapté au vivant, est une menace d’appropriation de la diversité génétique de certaines variétés. Le COV a été conçu pour s’appliquer à une matière vivante, grâce à l’exception de sélection. Il offre davantage de souplesse par exemple en autorisant la pratique des semences de ferme et préserve le libre accès de chacun à la ressource génétique. Cette spécificité, du secteur de l’agriculture et de l’alimentation, assure la continuité de l’amélioration génétique des espèces végétales, tout en empêchant l’appropriation du vivant et en limitant les éventuelles situations de monopole.

Aux USA, en Australie ou au Japon, les variétés végétales peuvent être protégées par un brevet. Contrairement aux variétés protégées par un COV, les variétés brevetées ne peuvent pas être librement utilisées à des fins de sélection par tous et, bien sûr, sont interdites en semences de ferme (pratique qui consiste à utiliser une partie de sa récolte pour la resemer l’année d’après). Les variétés protégées par un COV, quant à elles, peuvent, dans l’Union européenne, être ressemées par les agriculteurs sous certaines conditions.

Ce système original de propriété doit être défendu pour conserver l’accès déterminant aux ressources génétiques.  94 pays utilisent le COV et d’autres ont entrepris des démarches pour faire évoluer leur propriété intellectuelle sur les obtentions végétales. En renforçant l’usage du COV, il constitue un rempart contre le système des brevets et favorise la biodiversité.

En favorisant l’accès aux ressources génétiques, puisque toutes les variétés protégées sont accessibles librement à tous pour en créer de nouvelles, le COV favorise la biodiversité.

On a ainsi pu remarquer* que c’est dans les pays européens utilisant le certificat d’obtention végétale, que la biodiversité cultivée, qui avait tendance à baisser dans les années 1960, est remontée dans les années 1990.

* 2ème rapport de la FAO sur l’état des ressources génétiques dans le monde (2009)

 

Utilisation de la variété protégée… Certificat d’obtention végétale Brevet
…pour créer une nouvelle variété Libre pour tous Interdit
…à titre expérimental (sans production) Libre pour tous Interdit
…après récolte, pour resemer son champ (semences de ferme) Possible à certaines conditions et pour certaines espèces, selon l’UPOV et la loi sur les obtentions végétales Interdit
…et multiplication des semences à des fins non commerciales, ou dans un cadre privé (jardiniers amateurs) Libre Libre
PAYS CONCERNÉS Les 87 pays qui ont une législation UPOV USA, Australie, Japon, Nouvelle-Zélande

 

Photo haut de page : © SEMAE / Sébastien Champion