« Il faut entre douze et quinze ans pour créer une nouvelle variété de gazon »
Inventer le gazon résistant de demain. Laurence Poinsard, 35 ans, à la tête d’un service recherche spécialisé dans les graminées, s’y emploie en œuvrant à la sélection de nouvelles variétés, adaptées aux besoins des utilisateurs.
Laurence Poinsard,
Responsable de la station de recherche de Semences de France à Beuvry-la-Forêt (Nord)
En quoi consiste votre activité ?
Comme les cinq autres entreprises de sélection de graminées en France, notre activité a la particularité de s’exercer en extérieur, et non en laboratoire, car nous avons besoin du vent pour la pollinisation. Sur 35 à 40 hectares de champs, nous menons des travaux d’observation, de sélection, d’essais puis de multiplication de la première génération de variétés créée. Soit 120 variétés de graminées nouvelles depuis l’ouverture de notre station en 1978.
L’interdiction de recourir aux produits phytosanitaires pour les communes – et pour les particuliers à partir du 1er janvier 2019 – implique de nouveaux usages. Votre profession est-elle prête à y répondre ?
Il faut entre douze et quinze ans pour mettre au point une variété nouvelle. Nous travaillons aujourd’hui sur celles qui seront sur le marché en 2030. Même en anticipant sans cesse, impossible de prédire avec exactitude quel sera le climat et quels nouveaux besoins cela engendrera !
Pourquoi est-ce si long ?
Les étapes sont incompressibles : observation (deux ans), clonage des plants (un an), croisement des parents (quatre ans), mise en essai sur microparcelles des variétés obtenues (trois ans) puis multiplication pour produire la semence qui sera commercialisée (quatre ans) avec, parallèlement, dépôt de la variété avec ses caractéristiques techniques au Groupe d’étude de contrôle des variétés et des semences (Geves) et passage par des tests pour l’inscription finale au catalogue officiel. Un vrai parcours du combattant pour démontrer la valeur ajoutée de la semence ! En dix ans d’exercice, j’ai deux variétés à mon actif.
Quel est le défi pour votre profession aujourd’hui ?
Ne plus utiliser de produits phytosanitaires provoque une surabondance des mauvaises herbes (adventices). Il faut donc créer des variétés de gazons très denses, qui ne laissent aucune place aux autres espèces, avec une pousse rapide mais une croissance lente, afin d’en limiter l’entretien, et dotées d’un étalement plus horizontal plutôt que vertical. Par ailleurs, de nouveaux besoins voient le jour, comme l’enherbement de surfaces spécifiques (cimetières, parkings, etc.). Là encore, il faut s’adapter. A court terme, nous avons des réponses : elles reposent sur des mélanges performants de gazons, mais à long terme, il s’agit de créer des variétés nouvelles très résistantes.
Quel conseil donneriez-vous aux particuliers et aux professionnels en charge des espaces verts ?
Avant d’acheter des semences, il est important d’en vérifier la composition afin que les variétés proposées soient en adéquation avec l’usage requis, l’exposition, le type de terrain, la composition du sol pour obtenir une satisfaction totale. Il existe toujours un mélange adapté à ses besoins.