Barbara Pompili, secrétaire d’État « L’agriculture urbaine, une manière de réintroduire de la nature en ville »
Barbara Pompili, secrétaire d’Etat auprès de la ministre de l’Environnement, chargée de la biodiversité, confie à 36 000 solutions végétales tout l’intérêt qu’elle porte à l’agriculture urbaine.
Quel est le lien entre reconquête de la biodiversité et agriculture urbaine ?
Les zones agricoles sont des milieux naturels à part entière. Ils accueillent des espèces spécialistes de ces milieux, mais permettent aussi aux espèces plus généralistes de se déplacer ou se nourrir, par exemple.
L’agriculture et les terres qu’elle entretient sont nécessaires à la préservation de la biodiversité. Mais cela est vrai dans certaines conditions, bien entendu. Par exemple, il ne faut pas qu’elle utilise de produits chimiques avec excès : la pollution constitue le troisième facteur de perte de biodiversité au niveau mondial. La complémentarité entre agriculture et biodiversité est d’ailleurs au coeur de la loi.
Mais préserver ne suffit pas : il faut aussi reconquérir. Et, de ce point de vue, l’agriculture urbaine peut être une manière de réintroduire de la nature en ville, en réaffectant des espaces en friche ou jusqu’ici bétonnés, mais aussi en utilisant le bâti pour y créer des espaces de cultures, notamment sur certains toits. J’ai visité récemment le démonstrateur d’agriculture urbaine de la RATP : l’initiative s’inscrit dans l’objectif de la ville de Paris de créer 100 hectares de toitures et murs végétalisés en 2020, dont pas moins de 30 hectares seront dédiés à l’agriculture urbaine. Ça c’est du concret, ça c’est de la reconquête de biodiversité !
Comment les villes peuvent-elles s’insérer dans des actions en faveur de l’agriculture urbaine ?
Les ceintures maraichères et les jardins ouvriers sont deux exemples anciens qui attestent des liens étroits entre l’espace urbain et l’agriculture. Les villes peuvent s’insérer dans la dynamique de l’agriculture urbaine en écoutant la société civile qui, bien souvent, est en avance sur les décideurs. Je suis frappée de voir à quel point des associations, des entreprises, ont des idées et des projets en matière d’agriculture urbaine. Soutenir et accompagner de tels projets, cela répond à des missions qui sont celles des collectivités : l’action sociale – car les légumes et fruits produits par des particuliers constituent autant de charges en moins dans les budgets alimentaires des ménages-, la lutte contre la pollution – car les circuits courts génèrent des avantages en termes de logistiques, la réduction des déchets, l’aménagement de l’espace public, l’urbanisme… On en revient à la multifonctionnalité de l’agriculture urbaine : sensibilisation, éducation, insertion économique, loisirs, santé, sécurité alimentaire, environnement… Le projet agricole urbain possède un potentiel incroyable de mise en synergie positive des acteurs, il met en place un cercle vertueux qui peut contribuer, j’en suis convaincue, à l’identité de la ville de demain.
Quels sont les moyens mis en oeuvre par votre ministère pour accompagner ces efforts (TAP, guides, soutien financier…) ?
Le ministère, à travers la stratégie nationale pour la biodiversité soutient les divers acteurs, à toutes les échelles territoriales, en métropole et en outre-mer, qui s’engagent notamment sur des actions liées à l’agriculture urbaine. Par ailleurs, en subventionnant des associations qui travaillent à développer des projets en faveur de l’agriculture urbaine, le ministère soutient aussi financièrement ces démarches. En lien avec la stratégie nationale pour la biodiversité, ce sont déjà 400 acteurs qui ont adhéré à la stratégie et qui agissent dans nos villes. On compte dans ces associations la Maison de l’Agriculture Urbaine, la Sauge, Veni Verdi, Toits Vivants qui accompagnent la création de jardins en milieu urbain pour agir concrètement sur notre environnement, notre société et l’économie. J’ajoute que nous allons lancer à la rentrée une opération de valorisation d’actions concrètes, menées par des acteurs de tous types, sur trois thématiques : la nature en ville, l’éducation à la nature, et le lien entre biodiversité et activités économiques. Le principe sera de permettre aux porteurs de ces actions de déclarer comment ils « agissent pour la biodiversité ». Je ne doute pas que de nombreuses actions d’agriculture urbaine trouveront à être valorisées au travers de ce panorama dynamique de la Biodiversité en action.