Dix voies d’adaptation des systèmes fourragers face au changement climatique
Le monde agricole est en première ligne pour constater l’évolution du climat. Celle-ci peut se résumer par des hivers plus doux et davantage pluvieux, des étés plus secs et surtout plus chauds qui s’étalent sur une plus longue période. Peuvent s’y ajouter des contrastes ponctuels tels que des gels tardifs alors que la végétation de la prairie a déjà redémarré et est donc plus sensible. Pour ne pas subir, il vaut mieux anticiper et être acteur. Il est important de prendre en compte différentes voies d’adaptation afin de rester performant. Dix solutions sont envisageables.
Favoriser l’enracinement
En prairie naturelle ou temporaire, la première voie d’amélioration consiste à favoriser la profondeur d’enracinement. Cette dernière dépend de la plante mais aussi de la conduite. En effet, la plupart des graminées renouvellent leurs racines sur 2 ans, sauf le ray-grass anglais qui le fait chaque année à l’automne. La profondeur de l’enracinement est en lien avec la hauteur d’herbe. Il est donc conseillé de laisser monter la végétation pour une fauche une fois tous les 2 ans. Pour le ray-grass anglais, il faut éviter absolument le surpâturage d’automne, qui est la période où la plante renouvelle ses racines. Pour aider la plante à développer ses racines, une seule machine : le ver de terre ! Celui-ci brasse les différents horizons de sol, amenant la fertilité davantage en profondeur, ses galeries verticales seront ainsi empruntées par les racines. Pour finir, le hersage de fin d’hiver arrache les plantes dont les racines sont superficielles comme les pâturins communs ou les agrostis au profit des espèces à racines profondes.
Choisir le bon mélange
Les espèces fourragères sélectionnées sont toutes d’enracinement profond. Connaître la biologie de chacune d’entre elles permet de concevoir ou de choisir un mélange pertinent en fonction de la complémentarité des espèces. Cela concerne les différentes dates d’épiaison, les résistances aux périodes froides ou chaudes, les tolérances aux périodes sèches ou humides. Au sein des espèces, des critères variétaux peuvent être également pris en compte telles que la résistance à la sécheresse, au froid, la pérennité, ou encore la dormance pour la luzerne. Le site www.herbe-book.org est à la disposition de tous pour s’informer sur les caractéristiques des variétés et les classer en fonction de ses propres priorités.
En été, favoriser le stock sur pied
Le fourrage récolté par les animaux est bien sûr la solution la plus économique. Il serait dommage d’en venir à nourrir ses animaux l’été comme en hiver. La constitution de stocks d’herbe sur pied destinés à être pâturés peut être la solution, mais… avant toute chose, il faut rechercher LA QUALITE ! Pour cela, 5 points sont à respecter : avoir fait un déprimage afin d’avoir une végétation dense, avoir étêté afin d’avoir peu d’épis au profit des feuilles, avoir une bonne proportion de légumineuses (trèfle blanc, lotier, trèfle violet, hybride, luzerne), envisager le pâturage au fil avant et arrière dès que la végétation dépasse 15 cm. Enfin, en cas de prairie temporaire, il est recommandé de prendre en compte les critères variétaux comme la résistance aux maladies, la remontaison ou la tolérance à la sécheresse.
Des semis sous couvert
Lors des implantations de prairies, de luzerne, ou encore dans l’itinéraire cultural du méteil et même du maïs, on peut penser aux semis associés, sous couvert, en simultané ou en décalé. Les exemples sont multiples : semis simultané d’orge de printemps et de luzerne ou éventuellement décalé de quelques semaines, semis de printemps de fourragères dans du méteil d’hiver ou céréales d’hiver, semis de fourragères en inter rang du maïs. Chaque espèce protège l’autre. Il y a certainement de nombreuses combinaisons à inventer ou à réinventer, comme le semis de fourragère dans de la céréale en cours de montaison. Le problème de la mise en œuvre et du machinisme devra, quant à lui, être résolu.
Implanter de la luzerne
La luzerne est la meilleure assurance sécheresse et canicule. Son utilisation consiste surtout à constituer des stocks. Mais cette fabuleuse plante aux multiples vertus agronomiques, zootechniques et environnementales est encore plus avantageuse en affourragement en vert : pas de pertes au champ, pas de pertes ni de risques liés à la conservation. Une récolte journalière est ainsi transformée presque instantanément en lait ou en viande. Il faut cependant être équipé ou s’inventer une méthode « maison » telle que le pressage d’une boule, non ficelée et distribuée aussitôt en ratelier.
Une alternative : la betterave fourragère
En matière de constitution de stocks pour l’hiver, le maïs est une plante fabuleuse, par sa productivité, sa valeur en énergie-amidon, et par son faible coût de récolte ramené à la tonne de matière sèche. Un stress hydrique lors de l’une des phases de l’évolution de la plante peut avoir de graves conséquences. Pourquoi ne pas répartir le risque en cultivant plusieurs autres plantes annuelles et notamment la betterave fourragère. Si en cours de saison l’eau vient à manquer ou la chaleur devient excessive, la betterave semble se faner. Toutefois elle redémarre avec une extraordinaire vigueur dès que la chaleur baisse et que les pluies de fin d’été arrivent. L’introduction de la betterave permet de diversifier la rotation (base de l’agronomie), de diversifier la ration des animaux, de mieux répartir les pointes de travaux dans les champs. Quelques chiffres sont à retenir pour cette espèce : 1,15 UFl pour une production de 100 tonnes hectare et surtout un faible encombrement (0,6 UEL) ! Parole d’éleveur : la betterave fourragère éloigne le vétérinaire ! Le site www.betterave-fourragere.org est à la disposition de tous pour informer sur les variétés, la culture et l’utilisation. Il est particulièrement intéressant de noter que la betterave peut être pâturée au fil dès la mi-août et ainsi limiter le surpâturage des prairies à l’été et à l’automne.
Penser aux dérobées
Les cultures dérobées fourragères sont une solution pour produire du fourrage supplémentaire en intersaison, destiné à être stocké ou pâturé. Leur exploitation peut avoir lieu à la fin de l’été ou à l’automne mais également au printemps, ou bien à la fois en été-automne et au printemps. L’usage peut être le pâturage ou la fauche ou les deux. Il convient néanmoins de surveiller que les dérobées utilisées au printemps ne pénalisent pas la culture suivante. Il faudra prendre en compte la réserve en eau du sol, sa fertilité et la date de disponibilité de la parcelle. SEMAE met à la disposition de tous, sur simple demande, une réglette pour guider le choix parmi 25 espèces, en fonction de la date de semis possible, de la période et de l’usage envisagé, de la méthode de destruction du couvert. On associera alors 3 ou 4 espèces. Dans tous les cas, la qualité de la semence et les soins à l’implantation sont essentiels.
Cultiver du méteil
Il existe plusieurs types de méteil. Celui que l’on l’emploie communément aujourd’hui, est un mélange d’au minimum une céréale à paille et d’une légumineuse à grosse graine. Il y a au moins 5 céréales utilisables et 3 légumineuses. Le méteil, quant à lui, peut être d’hiver (semé à l’automne et récolté au printemps), de printemps (semé au printemps et récolté en été), ou d’été (semé en été et récolté avant l’hiver). Celui-ci peut être récolté plantes entières en ensilage ou en grain sec ou inerté. Le nombre de combinaisons possibles est donc très large. Les constituants sont souvent choisis pour être peu exigeants en eau ou consomment de l’eau en période où celle-ci ne manque pas ou peu (sauf pour le méteil semé en été). Bien sûr après récolte du méteil, il n’y a pas de repousse. Or souvent, le sol dispose d’une bonne réserve en eau, d’une bonne température et d’un bon reliquat azoté après cette récolte. Au printemps, alors que les journées sont longues, il sera possible de semer dans le méteil des espèces fourragères graminées et/ou légumineuses. Il existe d’autres possibilités de culture sous couvert comme le semis de prairie au printemps dans du méteil d’hiver ou le semis de prairie dans du méteil de printemps ou d’été. Ces techniques sont particulièrement intéressantes lorsque l’on implante des espèces lentes d’installation (fétuque, dactyle, fléole).
Raisonner l’aménagement parcellaire
Les animaux sont souvent mieux à l’extérieur plutôt que dans un bâtiment. Néanmoins, pour le confort des animaux et leur performance zootechnique, il faut parfois repenser l’aménagement des prairies avec par exemple des points d’eau bien répartis, des haies coupe-vent, des arbres « parasol », des chemins faciles d’accès, du pâturage tournant. Et surtout, dès que l’herbe vient à manquer, il est nécessaire de concentrer les animaux sur une petite parcelle afin d’éviter le surpâturage des autres parcelles. L’idéal est d’affourrager à l’ombre.
Constituer des stocks tampons
Il est essentiel de disposer de stocks de secours qui vont se conserver sur une longue durée. En effet, lors des années de sécheresse, les cours des fourrages augmentent et le prix des animaux baisse à la suite d’un encombrement du marché par les éleveurs contraints d’alléger les effectifs. Pour éviter cette situation dramatique, il est prudent de constituer des stocks de secours : la paille, le foin et les céréales peuvent permettre de passer les périodes difficiles. Elles sont d’ailleurs faciles et peu coûteuses à conserver d’une année sur l’autre et constituent une assurance.
Hersage, déprimage, étêtage, pâturage tournant, semis et sursemis, vers de terre, trèfle blanc, pâturage au fil et semences sont des « mots » qui ne sont pas nouveaux. Comme un jeu de cartes, il convient de les rebattre pour les adapter à ce nouveau contexte climatique. Les combinaisons et les solutions sont nombreuses. A chacun d’être imaginatif et de mettre tous les atouts de son côté pour mieux maîtriser ces aléas climatiques.
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