L'interprofession des semences et plants
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Pourquoi la création variétale doit-elle être protégée

01 février 2023

 

Reconnus par la Déclaration universelle des droits de l’homme, les droits de propriété intellectuelle n’ont cessé d’évoluer et de s’adapter aux créations pour lesquelles ils sont utilisés. Pour leur application à la création de nou­velles variétés de plantes, un droit spécifique s’est développé depuis les années 1960. Jusqu’à cette date, le créateur de variétés se rémunérait sur la vente des semences, mais l’allongement des circuits de production, et encore plus la nécessité de dynamiser la recherche, ont conduit à imaginer un droit de pro­priété intellectuelle original. Celui-ci permet de sécuriser la rémunération des créateurs de variétés, tout en assurant un à la diversité des plantes. Celle-ci provient majoritairement des variétés et du matériel propre du sélectionneur, mais aussi des vieilles variétés végétales et des espèces sauvages apparentées. Tout ce matériel est appelé ressources génétiques.

Le droit des obtentions végétales a été créé en 1961, selon les principes sont gérés par l’Union pour la protection des Obtentions Végétales (UPOV). L’UPOV regroupe aujourd’hui 120 pays (76 pays ainsi que les pays membres et 2 orga­nisations régionales économiques intergouvernementales, soit l’Union euro­péenne et l’OAPI (Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle).

L’UPOV en Afrique ?

Outre les 17 Etats membres de l’OAPI, 6Etats africains ont adopté ce système, soit un total de 23 Etats couverts par des systèmes conformes à l’UPOV. Aujourd’hui, environ 120 000 variétés sont protégées par un COV délivré par des pays membres de l’UPOV. Elles sont ainsi accessibles pour servir de base à la création de nouvelles variétés, conformément au principe de l’UPOV qui prévoit que les législations nationales concernant le COV incluent une exception obligatoire de sélection.

 

Pourquoi la filière semences est-elle attachée au COV ?

Droit de propriété intellectuelle, le Certificat d’Obtention Végétale (COV), autorise le libre usage de la variété protégée pour créer de nouvelles variétés. Elle assure la continuité de l’amélioration génétique des espèces végétales, car tout le monde peut créer de nouvelles variétés à partir de l’existant, tout en empêchant l’appropriation du vivant et en limitant les éventuelles situations de monopole.

Aux USA, en Australie ou au Japon, certaines variétés végétales peuvent être proté­gées par un brevet. Contrairement aux variétés protégées par un COV, les variétés brevetées ne peuvent pas être librement utilisées à des fins de recherche et de sélection pour tous. Les variétés protégées par un COV, quant à elles, peuvent, dans l’Union européenne, être ressemées par les agriculteurs, sur leur exploitation, sous certaines conditions.

En quoi consiste la protection des obtentions végétales ?

Ce droit particulier a trois grandes caractéristiques qui le rendent très différent du brevet industriel :

  • La reconnaissance de l’innovation, obtenu obtenu par le sélectionneur (ou obtenteur), à savoir la création d’une variété végétale distincte (de celle qui existe déjà) et nouvelle (le matériel de reproduction des végétaux ou un produit de récolte de la variété n’a pas été vendu ou remis à des tiers, par l’obtenteur ou avec son consentement, aux fins de l’exploitation de la variété sur le territoire du Pays auprès duquel la demande de protection a été déposée, depuis plus d’un an et sur un territoire autre depuis plus de quatre ans ou, dans le cas no­tamment des variétés de pommes de terre, depuis plus de six ans). Le certificat d’obtention végétale confère au détenteur, durant 25 ou 30 ans, un droit exclusif sur l’exploitation de sa variété protégée. L’obtenteur peut lui-même délivrer des licences pour que d’autres puissent produire et commercialiser sa variété en contrepartie d’une redevance. Le COV est délivré par l’INOV pour la protection française et par l’OCVV (office communautaire des variétés végétales) pour la protection applicable sur le territoire de l’Union européenne.
  • L’exception sélection obligatoire : ce système offre plus de souplesse que celui du brevet. Elle permet d’utiliser librement, sans contrepartie, les variétés existantes, même protégées, pour en créer de nouvelles et exploiter les fruits de cette création. L’objectif est de favoriser la création variétale, d’empêcher tout blocage juridique de cette création. Sur le plan économique, ce système encou­rage à poursuivre les expérimentations, les croisements, à innover sans cesse.L’accès à la diversité génétique pour la recherche et la sélection d’une variété protégée est libre dès lors que la variété obtenue à partir de cette variété protégée se distingue nettement de la variété protégée, et que la variété obtenue n’est pas essentiellement dérivée de la variété protégée.
  • L’exception pour les « semences de ferme », a été introduite par le règlement UE n° 2100/94 portant sur la protection des variétés végétales pour la protection communautaire et la loi du 8 décembre 2011 en ce qui concerne la loi française ; cela permet quand, pour les espèces pour lesquelles la pratique agricole était traditionnelle, que les agriculteurs puisse reproduire sur leur exploitation pour leur propre besoin des semences d’une variété protégée à condition qu’ils ré­munèrent, d’une manière équitable, l’obtenteur (détenteur du COV) de la variété protégée qu’ils ont multipliée. Cette possibilité concerne une liste de 21 espèces pour la protection communautaire délivré par l’OCVV (applicable sur le territoire français) et des mêmes 21 espèces plus 13 autres pour un titre de protection française délivré par l’INOV.

 

Comme pour le brevet, le droit ne s’étend pas aux actes accomplis dans un cadre privé à des fins non commerciales ou à des actes accomplis à titre expérimental.

Le système de l’obtention végétale vise à atteindre un équilibre entre la protection du propriétaire et l’intérêt de l’utilisateur.

Les semences de ferme sont des semences provenant de récoltes effectuées par l’agriculteur, et destinées à un nouvel emblavement la saison suivante, sur la même exploitation. La variété concernée peut être libre de droits ou protégée par un COV.

Peut-on breveter les inventions biotechnologiques en Europe ? En France ?

Le code de la propriété intellectuelle interdit de breveter les variétés végétales, les races animales, ainsi que les procédés essentiellement biologiques d’obtention de végétaux ou d’animaux. Sous ces termes, il faut comprendre les procédés qui consistent à croiser des plantes ou des animaux existants et à en sélectionner la descendance. L’Institut national de la propriété intellectuelle (INPI), considérant qu’il est impossible de breveter ces procédés comme leur résultat, c’est-à-dire la plante ou l’animal obtenu, rejette les demandes de brevet français qui portent sur des procédés de croisement et de sélection ou sur les végétaux et les animaux obtenus par croisement et sélection.
Cela ne remet pas en cause la brevetabilité des procédés techniques et biotechnologiques, notamment des procédés microbiologiques ou de génie génétique, ni des produits obtenus par de tels procédés.

Les réglementations européennes et françaises (loi n° 2004-1338 du 8 décembre 2004) prévoient la même exception pour les semences de ferme que celles incluses au niveau des COV.
Par ailleurs le droit français précise que « La protection conférée par un brevet relatif à une matière biologique dotée, du fait de l’invention, de propriétés déterminées (une caractéristique particulière) ne s’étend pas aux matières biologiques dotées de ces propriétés déterminées (la même caractéristique particulière), obtenues in-dépendamment de la matière biologique brevetée et par procédé essentiellement biologique (croisement et sélection), ni aux matières biologiques obtenues à partir de ces dernières, par reproduction ou multiplication».
L’accord relatif à une juridiction unifiée du brevet en complément du règlement sur le brevet unitaire européen, qui visent à simplifier, harmoniser et limiter le coût des demandes de brevets dans l’Union européenne, prévoit les limitations des effets du brevet dans son article, parmi lesquelles « l’utilisation de matériel biologique en vue de créer ou de découvrir et de développer d’autres variétés végétales ». Ces textes seront effectifs au 1er avril 2023, mais avec une ouverture des demandes au 1er janvier. Il concernera 25 pays de l’Union européenne, mais ni l’Italie, ni l’Espagne.

Les semenciers français estiment que les brevets accordés sur des informations génétiques ou des éléments de plantes ne devraient pas s’étendre aux mêmes informations génétiques ou éléments de plantes obtenues par sélection conven-tionnelle, ou naturellement présents dans la nature. La loi française a introduit une telle disposition en août 2016.

Propriété intellectuelle et biodiversité

En favorisant l’accès aux ressources génétiques, puisque toutes les va[1]riétés protégées sont accessibles librement à tous pour en créer de nou[1]velles, le système UPOV favorise la biodiversité cultivée. On peut observer que dans les pays de l’Union européenne utilisant le certificat d’obtention végétale*, que la biodiversité cultivée, qui avait tendance à baisser dans les années 1960, a progressé dans les années 1990.

*2e rapport de la FAO sur l’état des ressources génétiques dans le monde (2009).

Chaque année, les 69 entreprises de sélection présentes sur le territoire français créent plus de 500 nouvelles variétés, grâce à près de 370millions d’euros par an de budget de recherche (soit 11 % du chiffre d’affaires).


Contact :

Rosine DEPOIX
Chargée de relations presse
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